mardi 17 octobre 2017

Mon chien héro des réseaux sociaux.


Il y a tout juste un an, Laurence et Matthieu ont adopté Bali, lévrier retraité des courses canines. Tous deux artistes, ils ont rapidement fait de leur animal de compagnie le chouchou d'Instagram. Récit d'un «ambassadog» local et portraits de vedettes animales internationales.
« Je passe au moins deux heures par jour à alimenter le compte Instagram de Bali», confie Laurence Paquin, tout en montrant fièrement des photos de son toutou de 4 ans.

Avec les réseaux sociaux, les entreprises ont trouvé de nouveaux moyens de facilement rejoindre leur public. Ainsi naissent les influenceurs, ces internautes doués suivis par une tonne d'abonnés sur les différents réseaux sociaux. Ces nouvelles vedettes se mettent alors à recevoir des produits au rabais, voire gratuitement contre la promotion des croquettes pour chiens, matelas pour chats ou autres accessoires essentiels au bonheur animal.

C'est d'ailleurs ce qui a incité Laurence, graphiste et photographe amateur, à se plonger dans l'aventure avec son conjoint, Matthieu Lambert, photographe professionnel de véhicules automobiles.
«Je consultais déjà plusieurs comptes Instagram et je rêvais de recevoir des cadeaux», raconte Laurence, les yeux brillants.

L'histoire de Bali

En septembre dernier, les parents de Laurence se sont rendus dans un chenil au Vermont pour y récupérer Bali, après un long processus d'adoption. Coureur de grade A, CTW Calico Jack (nom de naissance de Bali) s'est fracturé la patte, provoquant sa retraite prématurée.
«Ces chiens ne connaissent rien d'autre que la course. C'est comme adopter un chiot, mais à 3 ans», souligne l'adepte d'Instagram, en référence à des épisodes houleux d'initiation aux escaliers.
Le jeune couple de Sainte-Thérèse, au Canada, a commencé à documenter sur son compte Instagram personnel l'adoption de l'animal, pour ensuite lui faire son propre compte une semaine plus tard.

Ainsi est né @Balithegreyhound qui, après un an d'activité, comptabilise près de 5000 abonnés.

Un mode de vie

Sur la page de Bali, on trouve des photos et des vidéos de son quotidien. Le couple a créé un univers autour du chien, le personnifiant en s'adressant à la première personne.

«Je m'assure tous les jours d'avoir suffisamment de photos en banque», raconte Laurence, qui alimente au moins une fois par jour son compte avec du contenu provenant parfois de son téléphone, mais surtout de son appareil photo.
Participant à des réunions de lévriers mensuellement, Bali s'est fait un large réseau d'amis à quatre pattes. Récemment, il a dû rompre par l'entremise du réseau social avec sa copine @penny_pennster de Boston, un lévrier arborant les mêmes tons de pelage roux et noir que lui, puisqu'il ne «supportait pas les relations à distance».

«Les autres achètent des vêtements pour leurs enfants, moi, j'achète des accessoires à mon chien», s'esclaffe Laurence.

De véritables vedettes

Aux États-Unis, le cas de Harlow and Sage est éloquent: le compte Instagram de ce trio d'adorables pitous est suivi par 1,5 million de personnes. Les fans peuvent maintenant se procurer des livres, un calendrier, des vêtements ou des peluches Harlow and Sage.

Sans surprise, dans leurs magnifiques publications Instagram, on découvre parfois que ces chiens modèles mangent de la nourriture Nature's Recipe, s'amusent avec des sacs Glad ou font la promotion de Purina, qui offre une vaste gamme de nourriture pour animaux.
Mais pour arriver à une telle notoriété, il faut y mettre le temps. Au quotidien, la tâche ne se résume pas qu'à capturer des moments de vie de l'animal. Laurence Paquin doit défier l'algorithme du réseau social en s'abonnant à d'autres pages, en commentant et aimant les publications des «Instadogs», ces vedettes canines nouveau genre. Elle doit aussi choisir soigneusement chaque information supplémentaire qui accompagne les bios de ses publications, toujours dans l'objectif d'augmenter sa portée. Une technique qui fonctionne: «Si j'ai 500 like sur une photo, c'est une bonne journée», raconte-t-elle, montrant fièrement quelques exemples qui ont atteint les 1000 mentions «j'aime».

«Maintenant, je le mets dans mon CV. En entrevue, les employeurs sont généralement très impressionnés de ce qu'on a réussi à faire en si peu de temps», se félicite Laurence, qui a fait ses études en communication et souhaite travailler en marketing.

Un long processus

Ce n'est qu'après six mois de travail et 2000 mentions «j'aime» sur sa page que le couple a réussi à obtenir un premier produit gratuit.
Par une journée froide d'hiver, une publication montrant Bali habillé de ses nouvelles bottes, avec l'inscription du nom de l'entreprise qui les a fabriquées, a attiré l'attention.

«La photo ressortait du lot. Elle était claire et captivante. Nous avons tout de suite souhaité collaborer avec Laurence», indique Christina Roe, qui travaille pour Voyagers K9 Apparel. Cette entreprise familiale est située à Oceanside, en Californie, et fabrique des accessoires pour chiens.
«Nous travaillons avec cinq influenceurs à la fois. Nous aimons en avoir de nouveaux tous les ans. Nous n'avons qu'un seul ambassadeur permanent.»

À ce jour, Laurence a reçu de leur part six manteaux, d'une valeur totalisant plus de 600 $. D'autres entreprises lui ont fourni des foulards et des colliers à prix réduits. Tous des accessoires pour Bali.
«Les produits ne sont pas toujours gratuits. Parfois, on m'épargne les frais de livraison. Ça se négocie et les entreprises ont tellement à gagner avec nous.»

C'est ce que confirme Arnaud Granata, président et éditeur d'Infopresse : «Il y a un marché qui se crée. Toutes les études démontrent que les consommateurs croient plus leurs pairs que la compagnie elle-même quand vient le temps de présenter des produits.»
Voyagers K9 Apparel, avec laquelle elle fait principalement affaire, exige du couple de fournir de trois à quatre clichés de Bali portant les morceaux donnés. «Ils ne sont vraiment pas exigeants. D'autres entreprises demandent de fournir au moins une photo par semaine», note-t-elle.

«Nous n'avons pas de contrat pré écrit avec les influenceurs. Nous venons à une entente ensemble via courriel ou par les réseaux sociaux», précise Christina Roe, qui apprécie travailler avec des instagrammeurs dont la qualité des images l'emporte sur la quantité.

Un flou dans les pratiques et règlements

Le plus grand défi des influenceurs Instagram est de défier l'algorithme de la plateforme. Quelques pratiques existent pour augmenter la portée des publications, notamment les Podghazis (Pods). Des influenceurs se regroupent et échangent des commentaires sur leur page respective. Plus une publication a de commentaires, plus la notoriété de la page est reconnue par l'algorithme. Cette pratique n'est pas encore réglementée par la plateforme, qui perd ainsi des ventes publicitaires, mais ceux qui font partie de Pods restent toutefois vigilants.

C'est plutôt avec le contenu commandité qu'Instagram fait la loi. Dans les conditions d'Instagram, on peut lire: «Nos règles exigent des créateurs et éditeurs qu'ils identifient les partenaires professionnels dans leurs publications de contenu de marque lorsqu'il y a un échange de valeur entre un créateur ou éditeur et un partenaire professionnel.»
C'est ce qui fait qu'on voit, de plus en plus, apparaître un petit #sp à la suite des publications de certains, pour «sponsor». D'autres auteurs affichent carrément le nom de la marque dont ils font la promotion, plus ou moins subtilement.

Matthieu et Laurence souhaitent pour cette deuxième année d'activité atteindre les 10 000 abonnés. «Si l'on se rend à 20 000, ça serait fantastique», s'enthousiasme Laurence. Mais ce qui les comblerait davantage serait que toutes les dépenses pour leur animal soient couvertes grâce à leurs pratiques d'influenceurs Instagram.


              In La presse.ca

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